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Utilisation des fourmis légionnaires du genre Dorylus dans la caractérisation du virome de l’écosystème forestier tropical et la surveillance active des zoonoses virales
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International audience. Les récentes épidémies, dont la plupart ont émergé au sein des forêts tropicales humides, mettent en lumière notre ignorance du virome de ces écosystèmes. On estime que seul 1% des virus d’eucaryotes présents sur terre seraient connus, ce qui entrave considérablement le contrôle précoce de tout événement épidémique nouveau. Une telle méconnaissance est principalement due à l’extrême difficulté d’obtenir du matériel biologique dans ces écosystèmes particulièrement denses où les animaux sont difficilement accessibles. Afin de pallier cette carence, nous proposons d'utiliser les fourmis légionnaires du genre Dorylus comme stratégie indirecte d'échantillonnage de la faune sauvage. Ces fourmis ont en effet la particularité de se déplacer en colonies de milliers d'ouvrières pour consommer, en grandes quantités, une large variété d’animaux vertébrés vivants ou morts, d’arthropodes et de plantes. Dans le cadre d’une étude pilote, 209 fourmis légionnaires ont été collectées sur les pistes au Nord-Est du Gabon. Au moyen de techniques de métagénomique virale appliquées à chacune de ces fourmis, nous avons détecté un nombre exceptionnel de séquences génomiques, appartenant à 157 genres viraux différents et 56 familles virales, soit près de 443 645 séquences supérieures à 200 nucléotides, dont 46 377 (10,5 %) s’apparentaient à des séquences de virus de bactéries, de plantes, d’invertébrés et de vertébrés. Au total, seules 22 406 des 46 377 séquences (48,3 %) présentaient une similarité avec des genres viraux reconnus par le Comité international de taxonomie des virus. Les séquences virales restantes (51,7%) n’ont pu être assignées qu’au niveau du domaine viral (24%), de l'ordre viral (3%) ou de la famille virale (24,7%), révélant la présence de très nombreux virus encore inconnus. Ces travaux pionniers et novateurs démontrent que les fourmis légionnaires peuvent accumuler une diversité extraordinaire de séquences génomiques des virus de leurs proies. Les fourmis magnans pourraient donc se révéler précieuses dans l’exploration du virome des écosystèmes forestiers tropicaux et dans la mise en place d’une stratégie novatrice et non invasive de surveillance des zoonoses virales dans un environnement où les émergences sont fréquentes.