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Virus de chauves-souris et leur transmission à l’Homme
Archive ouverte
Edité par CCSD -
International audience. Mammifères nocturnes ailés, refuges rêvés et contrastés de nombreuses légendes et superstitions, les chauves-souris jouent un rôle primordial dans le fonctionnement de notre biosphère, notamment en participant à la régulation des populations d’insectes, à la pollinisation des plantes à fleurs ou encore à la dissémination des graines. Cependant, la perception de ces animaux aux yeux du monde a radicalement changé lorsque leur implication dans les épidémies meurtrières survenues ces dernières années a été mise en évidence. Depuis, une centaine de virus ont été détectés chez ces animaux, dont la plupart sont zoonotiques, un nombre bien plus élevé que chez toutes les autres espèces animales. Par ailleurs, il est intéressant de relever que 75% de ces virus appartiennent aux quatre familles virales contenant les virus les plus dangereux connus à ce jour. Le virus de la rage (Rhadboviridae), hébergé par plusieurs espèces de chauves-souris insectivores, tue chaque année près de 60 000 personnes à travers le monde. Les coronavirus SARS-CoV-1, MERS-CoV et SARS-CoV-2 (Coronaviridae), transmis par des chauves-souris insectivores du genre Rhinolophe, ont été responsables d’épidémies de pneumonie à l’échelle mondiale. Les virus Hendra et Nipah (Paramyxoviridae), nichés au sein de chauves-souris frugivores géantes, causent régulièrement des épidémies d’encéphalite mortelle en Asie et Océanie. Enfin, les virus Ebola et Marburg (Filoviridae), ayant pour réservoir des chauves-souris frugivores, provoquent depuis 50 ans des flambées épidémiques de fièvre hémorragique à travers le continent africain. Même si une transmission directe à partir des chauves-souris est fortement suspectée, la contamination de l’Homme met généralement en jeu des espèces animales intermédiaires, sensibles ou asymptomatiques, qui jouent le rôle d’amplificateur ou de simple relais. Ainsi, les chauves-souris sont considérées aujourd’hui comme des réservoirs particulièrement prolifiques de virus et des sources inépuisables de maladies et d’épidémies. Une telle prédisposition s’appuierait sur des caractéristiques génétiques, physiologiques et immunologiques exceptionnelles. Ainsi, innombrables espèces et grande diversité génétique (les chauves-souris représentent 20% des mammifères), longévité, léthargie, vie grégaire au sein de communautés pouvant atteindre des milliers d’individus, métabolisme constamment élevé, défenses immunitaires innées hyperactives et infaillibles sont les principaux éléments de cet arsenal "bioécologique" leur permettant d’être fréquemment infectées, sur de longues périodes, et de maintenir la réplication virale à des niveaux suffisamment bas pour neutraliser la pathogénicité des virus. Le franchissement de la barrière d’espèce et la contamination de l’Homme seraient favorisés par la fragmentation de l’habitat de ces animaux, engendrée par des activités humaines incontrôlées et toujours plus intenses. Dans ce contexte, l’abattage de ces animaux, aussi minime soit-il, s’avèrerait inefficace voire préjudiciable car il irait à l’encontre du fonctionnement de notre biosphère. La prévention des épidémies doit donc s’appuyer sur une approche d’écologie de la santé qui préconise une action globale, concertée et multidisciplinaire intégrant santé humaine, animale et des écosystèmes. Les stratégies devront donc se focaliser sur la gestion harmonieuse des facteurs de perturbation de l’écosystème (agriculture intensive, exploitation forestière et urbanisation), les modifications des habitudes alimentaires, la mise en œuvre de programmes de sensibilisation à l’égard des risques infectieux, et le renforcement des recherches sur le virome et le système immunitaire de ces animaux qui ne cessent de fasciner.